Résumé

104-105 Le papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 17681, Fig. 1) est révélateur de la complexité de la conception des manuscrits funéraires2. Réalisé par plusieurs scribes, il est composé par la réunion de deux rouleaux de papyrus aux programmes distincts mais complémentaires. Son contenu, particulièrement original, conjugue des motifs issus du Livre des Morts et des « Amdouats » et réinterprète des motifs présents sur le mobilier contemporain dans un sens lunaire. Il place ainsi le défunt au cœur d’un cosmogramme garantissant sa renaissance suivant un double parcours lunaire et solaire. Le rôle singulier de la lune dans cette renaissance astrale se reflète sur sa planche de momie (Paris, Louvre, E 13047). Il illustre ainsi la façon dont les articulations du programme iconotextuel3 s’appuient sur celles de la structure matérielle des objets ainsi qu’une extrême originalité dans l’élaboration et la remotivation des motifs funéraires au début du premier millénaire avant l’ère chrétienne.

Fig. 1

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Le papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

1. Introduction

Historiographie du mobilier funéraire de la XXIème dynastie

Introduits en Europe dès la fin du XVIIIème siècle, certains éléments du mobilier funéraire de la XXIème dynastie sont connus dès les prémices de l’égyptologie. L’abondance du matériel découvert dans la « cachette » de Bab el-Gasous en 1891 marque cependant un tournant dans leur étude4. La richesse de leur iconographie attire l’attention de quelques chercheurs dès le XIXème siècle5, l’intérêt qui leur est porté s’accroît cependant à la fin du XXème siècle avec la publication de corpus6 qui en permettent une étude plus globale7. Les dernières décennies ont vu le développement d’études plus ponctuelles portées sur des objets individuels8 ou des lots plus précis9 – plus rarement sur des ensembles associés à un individu10avec notamment une attention renouvelée à la matérialité et l’iconographie des cercueils11 et des papyrus12.

Structure de l’article

Le présent article s’inscrit dans la continuité de ces études en s’attachant à l’exemple du papyrus de Nebhepet et à son contexte. Entré dans les collections européennes au XIXème siècle, ce manuscrit est connu et inclus dans les principales études sur le mobilier de la Troisième Période intermédiaire13. Les motifs lunaires qu’il présente ont donné lieu à des commentaires ponctuels14. Après une présentation générale, cet article se propose cependant d’en livrer une approche plus globale suivant deux axes principaux – l’analyse matérielle et l’étude iconotextuelle – tout en le plaçant dans le contexte plus vaste de l’ensemble funéraire et du monde social auquel il appartient.

L’introduction donne une brève présentation du contexte archéologique et historique ainsi que des problématiques spécifiques que pose ce manuscrit probablement remployé (partie 1).

Dans la lignée des études matérielles15, l’examen des caractéristiques techniques du papyrus permet de mieux comprendre les processus employés pour sa conception (partie 2) – notamment la combinaison de plusieurs rouleaux et son implication dans l’organisation de l’espace graphique de la composition (partie 2.2) ainsi que la répartition du travail entre différents scribes. L’attention portée aux styles graphiques rapproche ce document d’autres manuscrits qui semblent réalisés par le même scribe, et ainsi de mieux cerner les mécanismes de production du mobilier funéraire de l’époque (partie 2.3).

L’analyse du programme iconotextuel du papyrus s’inspire des études sémiotiques16 par sa tentative de comprendre la façon dont les différents motifs sont articulés pour concourir au sens global de l’objet (partie 3). Le défunt suit plusieurs parcours complémentaires, un parcours solaire vers l’extérieur du papyrus et un parcours lunaire vers son centre. L’importance de l’astre lunaire dans la régénération du défunt est la principale originalité de ce manuscrit qui réinterprète des motifs issus de la Litanie du Soleil comme une image de la croissance de la lune à laquelle s’identifie Nebhepet qui, comme elle, « connaît le retour » (rḫ ꜥn).

Les dernières sections de l’article s’efforcent de replacer le papyrus dans un contexte plus vaste en mettant en valeur ses liens avec sa planche de momie, qui présente elle aussi des motifs lunaires (partie 4)17, ainsi qu’avec le mobilier funéraire de 106 certains de ses contemporains avec lesquels il partage des titres et des spécificités matérielles et iconographiques (partie 5)18.

1.1. Contexte archéologique

Issu de la collection Drovetti et acquis en 1824, le papyrus19 de Nebhepet20 aurait été découvert associé à sa planche de momie21 et au mobilier de son père Boutehamon22. Cet ensemble serait datable des premières décennies de la XXIème dynastie (1069–945 av. è. chr.), du règne de Pinedjem Ier (environ 1054–1045 av. è. chr.).

1.2. Un papyrus remployé

Le nom et les titres de Nebhepet ont été inscrits sur son papyrus après qu’ont été effacés ceux d’un propriétaire précédant23, ne laissant de la titulature initiale que le titre de wꜥb sš « prêtre-pur, scribe ». Le titre sacerdotal wꜥb « prêtre-pur » est très commun à l’époque ; il devait assurer à son propriétaire un revenu24 tout en le rattachant au temple d’Amon qui assumait alors le gouvernement de la région thébaine. Sa fréquence25 autorise à supposer qu’il aurait pu être porté à la fois par le premier propriétaire et par Nebhepet – bien que ce-dernier ne le fasse pas figurer sur sa planche de momie – ce qui aurait pu justifier le fait qu’il n’ait pas été effacé.

1.3. Les titres de Nebhepet : un scribe de la Tombe de Deir el-Médineh

En même temps que le nom de Nebhepet ont été inscrits les titres de « scribe », sš nsw « scribe royal », jmy-rꜣ kꜣ.wt « directeur des travaux » et jmy-rꜣ nfr.w « directeur des recrues ». Ces fonctions sont situées selon les légendes du papyrus « dans l’horizon d’éternité » (m ꜣḫ.t nḥḥ), « dans la Demeure d’éternité » (m Pr ḏ.t) ou encore « dans la Place de Maât » (m s.t Mꜣꜥ.t). Cette titulature le désigne comme « scribe de la Tombe » (sš n pꜣ Ḫr )26. Il est l’un des derniers titulaires de cette fonction liée à la direction des ouvriers de la nécropole royale27 avant la disparition des artisans de Deir el-Médineh de la documentation sous Menkheperrê (A)28.

1.4. Réinhumation, remplois et évolutions du mobilier funéraires à la XXIème dynastie

Restriction du mobilier funéraire privé

Le début de la Troisième Période intermédiaire (1069–664 av. è. chr.) est marqué par d’importantes transformations politiques, sociales et culturelles29. Considéré comme légitime au sein du groupe familial et pour nombre de sépultures anciennes30, le remploi de mobilier funéraire est très généralisé31. Si le phénomène est bien documenté pour les cercueils32, quelques exemples suggèrent qu’il concernait également les bijoux33 et les papyrus34. En parallèle de la multiplication des pillages, il favorise l’adoption de pratiques funéraires défensives35 qui mettent l’accent sur la momie36. Les tombes décorées sont abandonnées au profit de sépultures plus discrètes dans lesquelles le mobilier se restreint à quelques éléments – cercueils gigognes à fond jaune, ouchebtis et papyrus37 – sur lesquels se concentre un programme iconographique abondant soumis à une évolution rapide38.

Réorganisation des sépultures royales

Tout comme pour les particuliers, les nécropoles royales sont alors réorganisées39. Les souverains s’installent et se font inhumer à Tanis, nouvelle capitale septentrionale loin de la région thébaine et de la Vallée des Rois, dirigées par les grands-prêtres d’Amon de Karnak. Des liens étroits unissent cependant les deux cours. Les momies royales font l’objet de déplacements fréquents40. Les nouveaux souverains soulignent leur légitimité par la réinhumation et le remploi de mobilier des pharaons du Nouvel Empire41, qui constitue par ailleurs pour eux une source de richesse importante42.

Le papyrus d’un scribe de la Tombe

Dans ce cadre, leur connaissance de la Vallée des Rois confère sans doute une position privilégiée aux membres du personnel de la Tombe43 de Deir el-Médineh comme Nebhepet. Son statut, allié à l’accès aux ressources et aux savoirs nécessaires à la réalisation du mobilier funéraire, contribue à la qualité du papyrus de ce personnage – qu’il ait été réalisé pour lui ou soit issu du remploi d’un objet réalisé pour quelqu’un de son entourage, ou auquel il aurait eu accès grâces à ses fonctions. Ce manuscrit témoigne du prestige 107 de son propriétaire et des évolutions du mobilier contemporain. Il est en effet représentatif d’une typologie nouvelle, dans laquelle l’iconographie prédomine sur le texte et présente des scènes absentes du répertoire funéraire antérieur44. Le remplacement du nom semble par ailleurs témoigner d’un processus de remploi. Ce document témoigne ainsi du renouveau du mobilier funéraire et de l’intensité de sa réutilisation au début de la XXIème dynastie.

2. Analyse matérielle du papyrus

L’analyse du papyrus suivant les approches de la philologie matérielle45 permet de mieux comprendre comment il a été conçu.

L’un des principaux apports de cette étude est la mise en évidence du fait que le manuscrit est obtenu par la réunion de deux rouleaux de papyrus – un mode de production spécifique qui joue un rôle dans la mise en page du programme iconotextuel (partie 2.2). La répartition correspond en effet à une distribution des motifs qui correspondent plutôt à un Livre des Morts sur le premier rouleau et à un « Amdouat » sur le second.

L’étude des styles graphiques met par ailleurs en évidence le fait que le manuscrit a été réalisé par au moins trois scribes (partie 2.3). Le dernier s’est chargé des trois quarts de la surface graphique. Il use par ailleurs d’un style graphique peu courant sur papyrus, ce qui permet d’identifier sa main sur d’autres manuscrits contemporains, et ainsi de mieux comprendre le milieu dans lequel s’inscrit cet objet.

2.1. Un manuscrit luxueux

Mesurant 22 cm – soit une demi-hauteur de rouleau manufacturé – par 282 cm, le papyrus de Nebhepet est plus long que la majorité des manuscrits contemporains, ce qui contribue à son prestige46. Une large palette de couleur (rouge, noir, blanc, brun, jaune, ainsi que des pigments bleus et verts, plus coûteux) souligne cet aspect luxueux. Le bon état de conservation et la cohérence du programme iconographique et textuel suggèrent que le manuscrit est complet.

2.2. Un manuscrit composé de deux rouleaux

L’analyse de sa structure matérielle révèle que le manuscrit est formé de deux rouleaux de papyrus à l’origine distincts, réunis lors de la rédaction. Cet assemblage est une caractéristique technique significative. En effet, la documentation permet d’établir que les scribes travaillaient à partir de rouleaux manufacturés d’une vingtaine de feuilles47 – soit un peu plus de 4 m. Si ces caractéristiques rendent essentiel l’assemblage de rouleaux pour réaliser de longs documents48, la combinaison de rouleaux pour réaliser un manuscrit de moins de 3 m, comme celui de Nebhepet relève donc d’un processus de production spécifique49.

2.2.1. Structure matérielle

Plus précisément, le manuscrit se compose de 14 feuilles dont la largeur d’environ 21 cm correspond aux standards de l’époque. Ces feuilles sont presque toutes montées bord gauche sur bord droit avec des joints fins qui semblent ne comporter que trois épaisseurs de fibres (les feuilles seraient donc du type II définit par Myriam Krutzsch50).

Deux feuilles montées en verso

La première et la neuvième feuille sont montées en verso – c’est-à-dire avec les fibres verticales visibles à l’intérieur du manuscrit. La présence d’une feuille verso marque fréquemment le début d’un rouleau de papyrus. Laissée vierge, elle constitue en effet une page de garde protectrice pour la surface inscrite lorsque le document est refermé. Elle permet par ailleurs d’inscrire le titre sur une surface recto à l’extérieur du manuscrit. La première feuille portait ainsi la mention :

pr m hrw n(y) Wsjr wꜥb sš

Sortir au Jour de l’Osiris du prêtre-pur scribe

108 La suite des titres et le nom du défunt semblent avoir été effacés sans être inscrits au nom de Nebhepet. Ce titre catégorise le manuscrit comme un Livre des Morts « Sortir au Jour ».

La seconde feuille montée en verso marque le passage au second rouleau (9ème feuille du manuscrit). La présence d’une feuille verso – peinte et inscrite – au sein d’un papyrus est inhabituelle. En effet, elle ne présente pas d’intérêt technique mais offre au contraire une surface graphique de moindre qualité qui crée une rupture visuelle dans la continuité du manuscrit. Elle est par ailleurs reliée à la précédente par un joint bord droit sur bord gauche (plutôt que bord gauche sur bord droit), plus large que les autres joints du manuscrit (Fig. 2). Ces irrégularités confirment que les deux rouleaux ont été assemblés par les scribes inscrivant le papyrus plutôt que dans la manufacture préparant le support. Le manuscrit de Tanytamon, lui aussi composé de deux rouleaux commençants chacun par une feuille verso51, constitue un parallèle.

Fig. 2

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Le joint entre les deux rouleaux du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768) ; la limite du joint est indiquée par une flèche. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Feuille portant l’étiquette

La première feuille recto du papyrus (2ème feuille du manuscrit) porte l’étiquette – terme désignant une scène d’adoration à un dieu qui introduit la plupart des manuscrits de l’époque52. La correspondance exacte entre la scène et la feuille qui lui sert de cadre suggère qu’elle pourrait avoir été tracée à part, par un dessinateur spécialisé, avant que ne soit inscrit le reste du rouleau. Elle illustre donc la façon dont la réalisation de l’iconotexte s’appuie sur la structure matérielle.

Deux dernières feuilles des rouleaux

Les deux dernières feuilles de chaque rouleau se distinguent par une rupture graphique. À la fin du premier rouleau, les couleurs rouge et jaune des deux bandes qui composent la bordure supérieure sont interverties au passage entre les feuilles 6 et 7. La bande supérieure est jaune sur la feuille 6 et rouge sur la feuille 7 et inversement pour la bande inférieure. Sur le second rouleau, le dessin du disque lunaire qui chevauche les feuilles 4 et 5 présente un décrochement suggérant qu’il aurait été réalisé séparément sur les deux feuilles (Fig. 3).

Fig. 3

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Détail du second disque lunaire du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Remarquer le décalage visible dans le tracé entre les feuilles 4 et 5 du deuxième rouleau. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Ces détails suggèrent que les deux dernières feuilles de chaque rouleau pourraient peut-être 109-110 avoir été ajoutées après un premier tracé des bordures et des disques lunaires qui cadraient la composition, mais avant le dessin des autres figures qui chevauchent les joints. L’ajout possible de ces feuilles aurait alors eu pour but d’obtenir un rouleau d’une longueur adaptée au programme iconotextuel qui lui était destiné. Les limites entre les feuilles jouent en tout cas un rôle lors du tracé des papyrus auquel elles offrent un cadre.

Structure générale du manuscrit

Le manuscrit présente ainsi des divisions structurelles claires (Fig. 4). Composé de deux rouleaux à l’origine distincts, il s’ouvre sur une page de garde verso suivi d’une étiquette occupant une feuille entière. Le premier rouleau se clôt par six feuilles (dont la dernière est incomplète) portant la moitié du programme iconographique. Celui-ci se poursuit sur les six feuilles du second rouleau – là encore, la dernière est incomplète – avec la particularité que la première feuille est ici montée en verso. Les deux dernières feuilles de chaque rouleau pourraient avoir été ajoutées en cours de réalisation. L’essentiel du programme iconographique et textuel du manuscrit (sans compter l’étiquette) occupe donc un espace graphique divisé en deux surfaces d’une longueur égale de six feuilles.

Fig. 4

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Structure matérielle du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768) – feuilles et rouleaux. Les feuilles recto sont encadrées de bleu, les feuilles verso de jaune et les rouleaux de rose. Les deux dernières feuilles de chaque rouleau, peut-être ajoutées dans un second temps, sont encadrées d’un bleu plus clair. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

2.2.2. Deux rouleaux aux programmes iconotextuels distincts ?

La division matérielle en deux rouleaux de papyrus se reflète dans le programme iconotextuel du manuscrit. Celui-ci semble en effet combiner le contenu des deux principaux types de livres funéraires de l’époque – un Livre des Morts inscrit sur le premier rouleau et un manuscrit dit de type « Amdouat »53 sur le second. Le manuscrit formé par la réunion des deux rouleaux propose donc une synthèse de deux types de papyrus distincts.

2.2.2.1. Premier rouleau : un Livre des Morts ?

Après la page de garde et l’étiquette, les six dernières feuilles du premier rouleau présentent un dispositif54 évoquant les Livres des Morts du Nouvel Empire et du début de la XXIème dynastie. Un premier ensemble y porte en effet les vignettes des LdM (formule du Livre des Morts) 149, 136B et 126 (Fig. 5) surmontant des colonnes de texte en hiéroglyphes cursifs. Elles dépeignent respectivement les « buttes » de l’au-delà, la barque solaire et le lac de feu entouré de quatre babouins.

Fig. 5

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Vignettes et textes du Livre des Morts dans la première partie du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). La vignette du LdM 126 est encadrée de jaune. Les motifs correspondants au LdM 136B sont entourés en bleu, ceux correspondants au LdM 149 en vert avec indication des buttes correspondantes. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Le LdM 149 est fortement abrégé – seules cinq des quatorze buttes sont représentées. La structure en est cependant complexe. Les vignettes correspondent aux buttes 1, 2, 6, 9 et 10. La vignette de la première butte surmonte le texte du LdM 136B ce qui semble traduire un décalage entre textes et vignettes, d’autant plus que le texte correspondant à la première butte se trouve sous la vignette de la butte 2. Cependant, la vignette de la butte 6 surmonte le texte de la butte 2, la vignette de la butte 9 celui de la butte 4 et la vignette de la butte 10 celui de la butte 3. De plus, le texte de la butte 4 est légèrement modifié pour être adapté à la vignette de la butte 9 qu’il accompagne. Plutôt que le serpent (ḥfꜣw) Lanceur-de-Couteaux (šty-ds.wy), il mentionne en effet le crocodile (msḥ) Ikesy (Jksy) de la butte 955. Ainsi sont mentionnées au total sept buttes – soit la moitié de celles de la formule 149.

Le papyrus d’Imenhatpamechâ56 utilise la vignette du LdM 136B pour illustrer le texte de la première butte du LdM 149 et atteste ainsi lui aussi d’un lien étroit entre ces deux formules qui se suivent souvent sur les Livres des Morts57.

Bien qu’écrit en écriture rétrograde de gauche à droite, le texte semble avoir été rédigé dans le sens de lecture (de gauche à droite), contrastant avec nombre de manuscrits contemporains copiés sur de tels modèles et inscrit de droite à gauche58. Cette recomposition complexe ne semble donc pas s’expliquer uniquement par un problème de copie, mais aussi par un choix scribal – assez attentif au vu de l’adaptation du texte à la vignette. Elle traduit peut-être la volonté de faire figurer un plus grand nombre de localités divines suivant une logique de pars pro toto59.

Plutôt que la formule qui lui est traditionnellement associée et qui est ici placé sous la première butte des LdM 149 et 136B, la barque solaire du LdM 136B surmonte une invocation à divers dieux de la nécropole rédigée de droite à gauche – suivant le sens d’écriture le plus commun à l’époque mais opposé au sens de lecture des LdM 149 et 136B60. 111 Elle est suivie par des formules d’offrandes décrivant le défunt comme bienheureux auprès (jmꜣḫy ḫr) des « enfants d’Horus »61, rappelant celles que l’on trouve sur les bandes latérales des couvercles de cercueils contemporains, en particulier la planche de momie de Nebhepet62. La légende surmontant le lac de feu précise quant à elle que le défunt navigue dans la nécropole.

Ce premier ensemble est suivi par trois figurations du défunt pratiquant les travaux des champs. Si elles sont comparables au LdM 110, elles ne sont pas associées au texte de cette formule dont elles simplifient considérablement le dispositif tout en y intégrant des éléments iconographiques nouveaux comme la présence d’un disque lunaire. La prédominance de l’image sur un texte synthétique ainsi que l’apparition de nouveaux motifs rattachent ce papyrus à une typologie de manuscrits développée à cette époque, mais toujours considérée comme des Livre des Morts (BD.III.1a)63 – comme l’indiquait déjà son titre.

2.2.2.2. Second rouleau : un « Amdouat » ?

Le second rouleau porte quant à lui une série de seize figures momiformes dont l’image du défunt en leur centre. Cette théorie divine rappelle les premiers manuscrits intitulés « Amdouats » (mḏꜣ.t jmy ḏwꜣ.t) à l’époque et inspirés par la Litanie du Soleil (A.I.1)64. Elle se conclut cependant par des figurations des travaux des champs du défunt – rappelant le LdM 110 – auquel sont adjoints des figurations de torches liées à deux Yeux-Oudjat sur lesquels sont posés des ibis – un ensemble qui pourrait évoquer le LdM 137 (formule pour allumer la torche) ou renvoyer aux torches du lac de feu du LdM 126 évoqué sur le premier rouleau.

Deux rouleaux complémentaires

Chacun des rouleaux composant le papyrus de Nebhepet semble ainsi reprendre le répertoire de l’un des deux principaux types de manuscrits funéraires contemporains. Le premier correspondrait à un Livre des Morts de nouvelle rédaction et le second à un papyrus de type « Amdouat » inspiré par la Litanie du Soleil. Tous deux se closent à leur extrémité gauche par des scènes de travaux des champs liés au LdM 110, conclusion fréquente des Livre des Morts. Tout en les mettant en résonnance par une clôture similaire, cette iconographie marquerait donc le terme de chaque ensemble. Une combinaison de deux rouleaux présentant des programmes complémentaires se retrouve dans les papyrus contemporains de Seramon65 et Tanytamon66. La réunion de divinités momiformes rappelant la Litanie du Soleil et de scènes liées au LdM 110 se retrouve par ailleurs dans le manuscrit contemporain d’Imenhatmechâ67. Dès le début de la XXIème dynastie68, nombre d’inhumations présentent plusieurs papyrus, souvent un Livre des Morts et un « Amdouat »69. Ce manuscrit semble ainsi réunir en un document unique deux papyrus de typologies différentes et offrir ainsi une synthèse de la double renaissance – osirienne et solaire – du défunt.

2.3. Bordures et iconographie – des facteurs d’unité

Plusieurs éléments graphiques chevauchent le joint unissant les deux parties du manuscrit – contribuant ainsi à leur unité. Il s’agit des bordures et de la figure finale du premier rouleau.

L’ensemble de la surface graphique est encadré par une bordure70 double – rouge et jaune. Cette combinaison de couleurs de bordure est fréquente dans ce type de manuscrit. Leur répartition est cependant originale. En effet, à droite du manuscrit, au sein de chaque bordure (en haut et en bas du manuscrit), la bande inférieure est rouge et la bande supérieure jaune. La bande rouge est donc la bande intérieure de la bordure supérieure et la bande extérieure de la bordure inférieure. Sur la partie gauche, comme dans la plupart des autres cas, la bande extérieure est rouge et la bande intérieure jaune pour les bordures supérieure et inférieure71. Il y a donc une rupture visuelle dans les couleurs de bordures au sein du premier rouleau. Coïncidant avec un changement de feuille (fin de la feuille 6), ce détail suggère que les feuilles 6 et 7 pourraient avoir été ajoutées dans un second temps afin d’obtenir un rouleau d’une longueur adaptée au programme iconotextuel qui lui était destiné. Il souligne en tout cas l’importance de la structure matérielle dans la mise en place de l’iconotexte.

Si le rouge est probablement de l’ocre, la mauvaise conservation du jaune suggère qu’il pourrait s’agir d’orpiment (realgar), un pigment plus coûteux 112 mais plus sensible à la lumière que l’ocre jaune72. Comme le montre l’analyse des recharges en encre, la bordure supérieure semble avoir été tracée de gauche à droite et la bordure inférieure de droite à gauche, tandis que la bordure verticale, à droite de l’étiquette, a été réalisée de haut en bas. Cette observation se retrouve dans nombre de manuscrits contemporains73. L’altération du papyrus ne permet pas de repérer une éventuelle interruption de la bordure à l’extrémité gauche du manuscrit.

Les bordures sont un élément graphique important pour l’unité visuelle du manuscrit, en particulier lorsqu’il a été réalisé en plusieurs sections ou par des scribes différents74. Elles assurent ici la continuité entre les deux rouleaux ainsi que celle de l’étiquette avec les autres scènes du papyrus. Leur tracé chevauche ces structures matérielles et semble donc avoir été réalisé après la réunion des deux rouleaux afin de confirmer leur cohérence.

De même, bien que le changement de thématique iconographique coïncide globalement avec le changement de rouleau, la figure de Nebhepet arrachant du lin qui clôt le premier ensemble chevauche en partie le joint entre les deux rouleaux. Ce détail assure là encore la cohérence de l’ensemble du manuscrit tout en suggérant que le tracé des figures serait intervenu après l’assemblage des rouleaux dont la jonction servait de repère visuel pour les limites déploiement de l’iconotexte une fois le support préparé et pourvu de bordures. De manière plus interprétative, il souligne le rôle central dans la synthèse opérée entre les processus de renaissance traduits par les différents rouleaux du LdM 110 – plus précisément de la figure du défunt arrachant du lin qui est ainsi placé au cœur du dispositif, d’autant plus que les textes de cette partie du papyrus mentionnent toujours son nom et ses titres.

2.4. Analyse stylistique et paléographique

2.4.1. Trois styles graphiques distincts

Les différents styles graphiques employés permettent d’affirmer que le papyrus a été réalisé par au moins trois scribes différents (Fig. 6).

Fig. 6

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Répartition du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768) entre différents scribes. La partie réalisée par le premier scribe (l’étiquette) est encadrée de rouge, celle réalisée par le deuxième scribe d’orange et celle inscrite par le troisième scribe est encadrée de jaune. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

  • L’étiquette fait montre d’un style plus soigné que le reste du manuscrit. La polychromie y est marquée avec l’usage d’un pigment bleu, coûteux, pour le linceul et le trône d’Osiris. Les contours des figures sont tracés en rouge ou en noir en fonction des motifs. Une première esquisse a été réalisée à l’encre rouge avant le dessin (repérable grâce à un léger décalage entre l’esquisse et le dessin final de la main droite d’Isis ou encore le long du vêtement d’Osiris). 113 Le contour du pagne du défunt est tracé en rouge. Les hiéroglyphes ont été délimités par des contours nets avant d’être emplis d’une encre noire dense (scribe 1).
  • Le texte du LdM 149 a été inscrit en hiéroglyphes cursifs dont les contours ne sont pas emplis de noirs. C’est le seul texte copié (à l’endroit) en écriture rétrograde. Il contraste donc nettement avec les autres inscriptions du manuscrit. L’encre employée y est dense, comme pour le scribe 1. Comme pour l’étiquette, les contours des vignettes de ce chapitres ont été tracées en rouge ou en noir en fonction des motifs, leur polychromie est cependant plus restreinte (noir, rouge, blanc, jaune). La vignette du LdM 110 a peut-être été tracée par le même scribe, elle surmonte cependant un texte de style différent (scribe 2).
  • Le reste du manuscrit semble avoir été inscrit par un seul scribe. Les contours des dessins y sont exclusivement noirs (sauf pour les motifs de torches). Les hiéroglyphes sont tracés avec des traits de pinceaux épais qui permettent d’avoir un motif entièrement noir sans avoir à remplir les contours. Ce type de graphie est plus fréquent sur des objets de bois – comme les ouchebtis75 ou leurs contenants76 que sur les manuscrits, sur lesquels elle est plus souvent employée pour écrire de courtes légendes77 que des textes développés. L’encre, moins dense que chez les scribes 1 et 2, est par ailleurs employée de manière bien plus irrégulière, rendant clairement visible les recharges (scribe 3).
  • Le nom et les titres de Nebhepet ont été ajoutés dans un style graphique intermédiaire entre celui du scribe 1 et du scribe 3. Les hiéroglyphes y sont en effet là aussi tracés de manière à être emplis de noirs. L’encre est plus pâle et les traits moins nets que dans le texte de l’étiquette, certains signes sont par ailleurs réalisés d’un seul trait de pinceau épais plutôt qu’en traçant un contour rempli par la suite. Le ductus recourt cependant à plus de traits que dans le style du scribe 3 – comme le montre la comparaison des tracés du signe Q1 (Fig. 7).

Ces distinctions stylistiques pourraient passer pour des changements de registres graphiques plutôt que pour des différences de mains. La comparaison avec d’autres manuscrits permet cependant d’assurer qu’elles ne répondent pas à une motivation sémantique – un même texte, comme l’hymne aux divinités de la nécropole inscrit par le scribe 3 sous la vignette du LdM 136B, peut être écrit par le même scribe 3 sur les papyrus de Tanytamon78 et Moutemouia79 ou dans un style graphique très distinct – plus semblable à celui du scribe 2, sur les papyrus d’Âanerou80 et Taoudjatrâ81. Les manuscrits les plus luxueux, comme ceux de Taoudjatrâ, privilégient un registre graphique uniforme – par exemple avec un style de hiéroglyphes comparables à celui du scribe 2 plutôt que d’opposer des hiéroglyphes pleins comme ceux du scribe 1 dans l’étiquette à d’autres styles graphiques dans le reste du manuscrit.

Fig. 7

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Légende du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768) tracée par le scribe 3 (ꜥm jn Wsjr wꜥb sš « étendre le limon par l’Osiris du prêtre-pur, scribe »), avec ajout de m s.t Mꜣꜥt Nb-ḥpy mꜣꜥ ḫrw « dans la place de Maât Nebhepet juste de voix ». Comparer la forme du signe Q1 obtenu en trois traits par le scribe 3 et en quatre traits dans l’ajout. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

La restriction de la palette chromatique et le changement de graphies entre l’étiquette et le reste du manuscrit attestent a minima de temps de rédaction distincts. La cohérence entre les changements de style iconographique et textuel rend par ailleurs plus logique de supposer l’intervention de plusieurs artistes plutôt que l’emploi de registres distincts.

114-115 Composé d’unités matérielles distinctes, ce manuscrit a donc été réalisé par au moins trois scribes différents. Cependant, si la feuille portant l’étiquette a été traité par un artiste à part, la répartition du travail entre les deux autres scribes ne correspond pas à la division en rouleaux (Fig. 8). Le scribe en charge du LdM 149 n’a réalisé qu’une portion du premier rouleau tandis que le dernier scribe a inscrit plus d’un rouleau et demi, prenant ainsi en charge différentes parties du programme iconotextuel réparties sur des unités matérielles distinctes. La segmentation du manuscrit selon des critères techniques et iconotextuels ne répond donc pas à la partition de sa réalisation entre les différents scribes.

Fig. 8

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Répartition du travail des scribes et division en rouleau du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

2.4.2. Manuscrits apparentés

Le style graphique du dernier scribe souligné ci-dessus (hiéroglyphes pleins, encre irrégulière, figures cernées de noir…) paraît moins fréquent sur papyrus que sur des objets de bois à la XXIème dynastie. L’usage de ce script semble donc un critère pour regrouper des manuscrits qui pourraient avoir été produits dans un même milieu ou par un même scribe.

Parallèles iconographiques

Ces manuscrits présentent par ailleurs un style iconographique similaire avec la même polychromie et des contours réalisés à l’encre noire. Ils partagent souvent les mêmes motifs iconotextuels. Ainsi les 116 papyrus de Paser82 (Fig. 9) et Chedsoukhonsou83 présentent-t-ils – comme celui de Nebhepet – une succession de divinités momiformes rappelant la Litanie du Soleil. Les papyrus de Nebhepet et Moutemouia84 (Fig. 10) présentent une variante du LdM 110 comportant le motif, peu fréquent, de l’arrachage du lin85. Dans ce dernier papyrus (BM EA 10003,1), Thot est coiffé d’un disque lunaire rappelant ceux que l’on observe dans celui de Nebhepet.

Fig. 9

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Papyrus de Paser (Paris, Bibliothèque nationale de France, Manuscrit Égyptien 158-161). Photo : ©Bibliothèque nationale de France.

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Fig. 10

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Papyrus de Moutemouia, détail (Londres, British Museum, EA 10003,3). Photo : ©Trustees of the British Museum.

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Parallèles textuels

Quatre de ces manuscrits – ceux de Nebhepet, Chedsoukhonsou86, Tanytamon87 (détail avec le texte Fig. 11) et Moutemouia88 présentent par ailleurs une formule similaire d’invocation à diverses divinités89, certaines peu fréquentes, qui se trouve aussi sur le coffret à ouchebtis d’Imennioutnakht employant le même script90, mais aussi sur d’autres manuscrits91 ainsi que des cercueils92 comme celui du père de Nebhepet, Boutehamon93. Dans le papyrus de Nebhepet, très similaire à celui de Moutemouia et probablement à celui, dégradé, de Chedsoukhonsou, le texte se présente ainsi :

(1) jnḎ ḥr⸗[t]n nṯr.w jp(.w), Psḏ.t ꜥꜣ.t m (2) ẖry.t-nṯr, Nb.w H̱r-ꜥḥꜣ, Ḥtpy nty m (3) Dwꜣ.t, Sḏr.w Nṯr.t jy (4) ⸗j n⸗(t)n, jb⸗j ẖr Mꜣꜥ.t, nn jsfy (5) m ẖ.t⸗j (…)

(1) Salut à vous, ces dieux, Grande Ennéade dans (2) la nécropole, Maîtres de Kher-Âha, Apaisés qui sont dans (3) la Douat, Dormeurs, Déesse, puissé-je (4) venir à vous, mon cœur chargé de Maât, sans isefet dans mon corps (…)

Fig. 11

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Papyrus de Tanytamon, détail (Paris, Bibliothèque nationale de France, Manuscrit Égyptien 171. Photo : ©Bibliothèque nationale de France.

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Le papyrus de Tanytamon scinde cependant cette séquence textuelle en deux éléments distincts intégrés à des périodes invocatoires plus vastes (col. 9-10 jy⸗j n⸗tn jb⸗j ẖr Mꜣꜥ.t, nn jsf(.t) m ẖ.t⸗j « puissé-je venir à vous mon cœur portant Maât, sans isefet dans mon corps » et col. 19-20 jnḏ ḥr⸗w nṯr.w pw, Psḏ.t ꜥꜣ.t, Psḏ.t nḏs.t, Ḥtpy.w, Nb.w Dwꜣ.t « Salut à vous ces dieux, Grande Ennéade, Petite Ennéade, Apaisés, Maîtres de la Douat ») suggérant que cette formule aurait pu être écrite de mémoire pour faire l’objet de variations contextuelles.

La forte cohérence graphique et iconotextuelle entre ces manuscrits peu nombreux (papyrus de Nebhepet, Tanytamon, Moutemouia, Chedsoukhonsou et Paser) suggère qu’ils pourraient avoir été réalisés par une même personne – ou tout au moins au sein d’un groupe restreint – qui pourrait avoir contribué à d’autres types d’objets comme le montre la présence d’une formule très similaire sur la boîte à ouchebti d’Imennioutnakht. Ces éléments offrent ainsi un aperçu des conditions concrètes de réalisation de ce manuscrit.

3. Analyse du programme iconotextuel

Malgré l’apparente hétérogénéité de conception de ce manuscrit composé par plusieurs scribes à partir de deux rouleaux de papyrus différents, le papyrus de Nebhepet présente un programme iconotextuel dont l’analyse se révèle d’une grande cohérence. L’effet d’écho causé par la reprise de motifs de part et d’autre du document – disques lunaires, Yeux-Oudjat et scènes inspirées par le LdM 110 – génère une composition concentrique soulignant les figures momiformes centrales. La structure en plusieurs rouleaux aux programmes distincts permet l’articulation de plusieurs parcours de régénération du défunt suivant un modèle osirien, solaire et, de manière plus originale, lunaire. Recourant en partie aux mêmes motifs, les parcours astraux sont complémentaires. Ils obéissent cependant à des vectorialités opposées – la sortie au jour est orientée vers l’extérieur du manuscrit et le parcours lunaire vers son centre. L’importance de l’astre nocturne est la principale spécificité de ce papyrus. Les motifs issus de la Litanie du Soleil y semblent réinterprétés comme une représentation de la régénération de la lune et du défunt.

3.1. Inscription de la lune dans le papyrus : graphies et jeux de références

La présence, inhabituelle, des disques lunaires suggère l’importance particulière de cet astre dans la construction de l’au-delà proposée par ce document. Elle est explicitement soulignée par la légende qui décrit l’un de ces disques comme Jꜥḥ{.t} « Iâh/Lune »94.

Ce texte emploie pour le signe N11 , classificateur de la lune, la variante archaïque , proche du signe N62, normalement abandonnée après la XVIIIème dynastie95 bien qu’elle puisse se rencontrer à l’époque ramesside, notamment dans le temple de Ramsès II à Abydos96 qui porte par ailleurs 117 une graphie unique représentant la lune sous la forme d’une déesse97. Le terme est ici noté avec un signe X1 t, marqueur habituel du féminin, considéré comme purement graphique dans ce contexte par la plupart des études98, mais dont la combinaison avec la variante de cette représentation du disque lunaire pourrait constituer une référence aux textes du temple d’Abydos. L’idée d’un astre lunaire féminin, inhabituelle99, pourrait renvoyer à l’image de la lune comme un Œil céleste (Jr.t ou Wḏꜣ.t), terme de genre féminin auquel renvoient les Yeux-Oudjat voisins qui soulignent le caractère astral de la représentation. La forme iconique du classificateur pourrait être motivée ici par sa proximité immédiate avec la figuration du disque lunaire, cependant placé dans une autre orientation. Ce signe est par ailleurs présent sur le couvercle du cercueil externe de Boutehamon100, père de Nebhepet, ce qui pourrait traduire une attention paléographique dans un contexte de réinhumation des souverains du début du Nouvel Empire faisant l’objet d’un culte101.

L’usage de cette graphie sur le papyrus de Nebhepet s’inscrirait ainsi dans le cercle étroit de pratiques lettrées et cultuelles familiales qui pourrait renvoyer à de prestigieux modèles anciens, thoutmosides ou abydéniens. La place inhabituelle de l’astre dans le manuscrit invite à y lire un double processus de renaissance – lunaire et solaire – traduit par la combinaison, l’enchâssement et l’orientation des motifs autour du groupe de figures momiformes au centre du manuscrit.

3.2. Structure iconotextuelle : reprises de motifs, échos et enchâssements

Plusieurs motifs sont repris sur les deux rouleaux du manuscrit, de part et d’autre du groupe de figures momiformes central. Le programme iconotextuel est structuré par la combinaison de ces échos et d’un jeu sur la vectorialité des figures – c’est-à-dire sur leur orientation et le sens de lecture et d’appréhension qu’elle génère102. Ces paramètres créent une composition concentrique à plusieurs niveaux parmi lesquels se distinguent :

  • Les scènes agricoles déjà évoquées, variations sur les vignettes du LdM 110, qui concluent chacun des rouleaux et encadrent ainsi le groupe de figures momiformes central. Le Champs des Roseaux (Sḫ.t Jꜣrw) qu’elles évoquent est par ailleurs décrit dans le texte de la deuxième butte du LdM 149 au début du manuscrit. Le premier rouleau présente des scènes agricoles et une scène de labour avec un araire tiré par des vaches. Les deux dernières figurations du défunt sont richement parées – il arbore un pectoral et un cône d’onguent au contraire de la plupart des autres représentations du manuscrit, pourtant de plus grand format, ce qui souligne le fait qu’elles représentent plus son passage dans l’au-delà qu’une scène champêtre spécifique. La vignette a en effet un rôle multiple ; elle garantit l’approvisionnement en offrandes du défunt mais aussi du soleil et assure ainsi la permanence de l’intégration au monde divin103. L’allusion à des phénomènes cycliques comme la crue (évoquée par le labour104 ou l’épandage du limon et peut-être par la représentation de l’oiseau en vol dans lequel Sydney Aufrère reconnait un ibis falcinelle dont la migration annoncerait le retrait de la crue105) intègre le défunt à un cycle éternel.
  • La présence de l’oiseau-srw, identifié par une légende, à la jonction des deux rouleaux participe peut-être de la même symbolique. Sydney Aufrère y voit une allusion au cycle de la crue. Il s’agirait en effet selon lui d’un oiseau migrateur, une demoiselle de Numidie (Anthropoides virgo)106, parente des grues cendrées. Si le jabot noir renvoie effectivement à cette espèce, le bec plus long n’y correspond pas, peut-être faut-il voir ici une influence de l’iconographie d’autres oiseaux comme le héron Benou qui donnerait une connotation solaire à la représentation – ou encore l’ibis qui rappellerait le dieu Thot présent face au défunt dans la suite du manuscrit. L’orientation divergente de ces échassiers, srw et ibis, tournés respectivement vers l’extérieur du manuscrit, comme les barques solaires, et vers l’intérieur, comme les disques lunaires, pourrait faire allusion à la complémentarité luni-solaire développée dans la suite du papyrus. Le vocable sr désigne plus ordinairement l’oie cendrée107. Ce volatile résidant dans les marais est le plus souvent mentionné comme une offrande alimentaire en contexte funéraire108, il s’intègre donc bien à une représentation de la Campagne des Offrandes. Le nom de cette grue évoque par ailleurs le verbe sr109 et donc l’idée de signalement, d’annonce 118 d’un évènement assuré, voire d’attribution à un bénéficiaire110. Dans le contexte du papyrus, il affirme ainsi la certitude de la régénération du défunt qu’il surmonte.
  • Le registre supérieur montre le défunt navigant dans une barque dont la proue et la poupe présentent un motif de fleur de papyrus, ce qui peut caractériser les barques solaires111. Au registre inférieur, le défunt guide un taureau, une vache et un veau vers l’extrémité du manuscrit. Mise à part cette dernière figure, toutes les représentations du défunt dans ces scènes dérivées du LdM 110 se dirigent vers le début du manuscrit. Elles reproduisent ainsi l’orientation des divinités auxquelles Nebhepet fait face dans l’étiquette et au début du papyrus, soulignant ainsi son intégration au monde divin.
  • Plusieurs motifs solaires sont placés en écho, en particulier les disques solaires rayonnants N8 , peu fréquent dans les autres manuscrits funéraires112. Les disques présentent des rayons alternativement noirs et rouges. Sur les deux premiers disques, le rouge semble obtenu en mêlant des encres noire et rouge et est donc plus sombre que sur les deux derniers disques – le même phénomène s’observe pour l’iris du premier Œil-Oudjat contrastant avec les suivants. Ces disques solaires sont répartis en deux paires contrastives. Les deux premiers, surplombant la scène de labour à la fin du premier rouleau, semblent n’avoir pas été colorés, laissant visible la teinte du papyrus qui suggère qu’ils sont jaunes et donc diurnes. Les deux derniers apparaissent dans les scènes agricoles concluant le second rouleau et sont rouges – suggérant qu’il s’agit de disques nocturnes113. Le dernier disque solaire est par ailleurs représenté tourné à 90° par rapport aux autres afin que ses rayons soient dirigés vers le centre du manuscrit qu’il clôture. Cette orientation finale suggère la sortie de la Douat et évoque lointainement la clôture des Livres du monde souterrain comme le Livre des Cavernes. Ces motifs peuvent par ailleurs être mis en relation avec la barque solaire du LdM 136B qui les précède sur le premier rouleau et fait écho à la navigation du défunt à la fin du second. Des disques similaires se trouvent sur le papyrus de Seramon, là encore associés avec des motifs lunaires et avec une opposition entre un disque jaune et un disque rouge114, ce qui pourrait suggérer une conception commune de ces deux manuscrits.
  • La combinaison de ces motifs solaires et agricoles peut, elle aussi, créer un effet d’écho. Les deux disques rayonnants entourant l’ensemble entrent ainsi en conjonction avec une représentation du défunt dirigeant des bovidés – pour le labour et pour la scène finale. Le rapprochement du soleil et de motifs bovins, en particulier dans cette représentation liminale, rappelle la vignette du LdM 186 représentant une vache sortant de la montagne et souvent liée à un motif solaire115 et, parfois, en lien avec le LdM 148 mentionnant le taureau et les vaches du ciel116 que pourraient évoquer le taureau et la vache à la fin de ce papyrus.
  • Les six torches entourant le lac de feu dans la vignette du LdM 126 sur le premier rouleau se retrouvent de part et d’autre du cours d’eau concluant le second rouleau.
  • Quatre Yeux-Oudjat sont répartis sur l’espace graphique réalisé par le dernier scribe. Leur iris est rouge. Sur le premier œil, comme pour les disques solaires rayonnants, le rouge est plus sombre, sans doute du fait d’un mélange avec de l’encre noire, et contraste ainsi avec les yeux suivants. Les deux yeux à l’extrémité de l’ensemble sont tournés vers l’extérieur du manuscrit tandis que les deux yeux centraux encadrent un groupe de quatre des torches évoquées au paragraphe précédent. Contrairement à la paréidolie que pourrait évoquer cette disposition117, les yeux semblent devoir être groupés dans leur ordre d’apparition, les deux yeux encadrant le groupe de torches appartiendraient donc à des groupes distincts. Cette opposition est soulignée par la présence de motifs opposés sur ces deux yeux. Un ibis blanc est posé sur le sourcil du premier tandis qu’un ibis noir se tient sur la volute inférieure de l’œil du second. La combinaison de ces deux représentations rappelle l’ibis falcinelle noir en vol et l’oiseau-srw blanc accompagnant les scènes agricoles du premier rouleau. Une telle représentation, incluant un Œil-Oudjat sur lequel est placé un ibis se trouve dans deux autres papyrus inspirés par la Litanie du Soleil – dont celui de Paser réalisé par le même 119 scribe118 ainsi que sur le cercueil de Mechâsebaq119, près d’une représentation momiforme de Thot ibiocéphale. Tout comme les babouins120 entourant le lac de feu et l’autre groupe de torches du manuscrit, l’ibis blanc est associé à Thot dont les fonctions lunaires seraient suggérées par le plumage blanc et noir de l’oiseau qui pourrait évoquer la croissance et la décroissance de l’astre121. Les Yeux-Oudjat présentent une forte symbolique astrale, en particulier pour représenter l’astre lunaire122. Ils sont présents sur la poupe et la proue du LdM 136B au début du papyrus. Leurs groupements en paire pourrait ici représenter l’association d’un œil lunaire – tourné vers l’intérieur du manuscrit et orné d’un ibis – et d’un œil solaire tourné vers l’extérieur du papyrus.
  • L’originalité des deux disques lunaires, présentés dans des orientations opposées au-dessus des scènes agricoles concluant chacun des rouleaux, a été soulignée par plusieurs études123 et invite à reconnaître une symbolique lunaire dans le programme iconotextuel du manuscrit, en particulier dans le groupe de figures momiformes centrales qu’ils encadrent.

Tout un jeu de motifs se font ainsi écho de part et d’autre du manuscrit (Fig. 12), plusieurs d’entre eux présentent un caractère astral. Si les motifs solaires tels 120 que les disques, barques et figures inspirées par la Litanie de Râ sont courants dans le répertoire funéraire, le papyrus se singularise par la répétition d’allusion au cycle de la lune – ibis, Yeux-Oudjat et babouins – ces derniers ayant également une connotation solaire124. La représentation de l’arrachage du lin aurait également une symbolique lunaire125. L’argument le plus manifeste reste la mention de Iâh (Jꜥḥ, écrit Jꜥḥ.t 126) accompagnant l’un des deux disques lunaires. Le dédoublement de ces astres, ainsi que leur combinaison avec des Yeux-Oudjat, pourrait les rapprocher des yeux célestes ce qui pourrait justifier la graphie avec un .t et inviter à voir dans le second un disque solaire si son apparence ne contrastait pas avec les disques rayonnants N8 voisins.

Fig. 12

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Motifs en écho dans le papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Les scènes inspirées par le LdM 110 sont entourées de vert, les disques solaires de jaune, les barques solaires de bleu foncé, les représentations du défunt guidant des vaches de blanc, les torches de rouge, les Yeux-Oudjat de rose et les disques lunaires de bleu clair. Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

La présence de croissants sur les côtés de ces disques suggèrerait l’opposition entre l’astre croissant à droite et une décroissant à gauche. Elle renforce surtout par sa symétrie l’insistance sur le cœur de la composition encadré par ces motifs.

Le fait que les disques semblent avoir été tracés très tôt dans la rédaction du manuscrit, peut-être avant même que les feuilles ne soient toutes en place comme le montre le décrochement dans le dessin du second disque (Fig. 3) souligne leur importance dans la structure iconotextuelle. Tout en établissant un lien entre les motifs solaires et lunaires (Yeux-Oudjat, disques lunaires et solaires côte à côte), ce dispositif met ainsi en avant le groupe de figures momiformes central rappelant la Litanie du Soleil tout en orientant son interprétation vers une lecture lunaire.

3.3. Une Litanie du Soleil réinterprétée dans un sens lunaire ?

La répétition de ces différents motifs crée une structure concentrique, encadrant le groupe de figures momiformes central qu’elle met en valeur. Si cette iconographie rappelle la Litanie du Soleil, elle semble ici réinterprétée pour rappeler la croissance de la lune.

Ce groupe, dont les figures sont vêtues alternativement de blanc et de rouge, présente lui-même une structure en miroir. Les huit divinités de droite sont orientées vers la gauche tandis que les sept divinités de gauche sont orientées vers la droite. Toutes convergent ainsi vers la figure centrale de Nebhepet – orienté vers la droite mais ayant la tête retournée vers la gauche (Fig. 13). Cette pose originale du défunt le met en valeur tout en soulignant sa position à l’intersection des deux groupes, elle se retrouve dans certains autres « Amdouats » inspirés par la Litanie du Soleil qui marquent ainsi l’intégration au monde divin par la position au centre d’un groupe de divinités127.

Fig. 13

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Le groupe de figures momiformes central du papyrus de Nebhepet (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Le défunt est ainsi entouré par quinze dieux tournés vers lui. Dans le contexte lunaire suggéré par 121 la répétition de motifs à caractères astraux, ce dispositif rappelle les processions divines emplissant le disque lunaire. Ces processions peuvent comprendre quinze divinités, correspondant à la moitié d’un mois lunaire idéal de 30 jours128.

À l’exception d’Osiris et, plus rarement, de Thot dont la connotation lunaire reste claire, les dieux présents ne correspondent cependant pas à ceux que l’on rencontre dans ces listes plus tardives. Seuls trois d’entre eux sont ici clairement identifiables. Il s’agit de « Thot qui préside à la Douat » (Ḏḥwty ḫnty Dwꜣ.t) face au défunt, « Khepri le grand dieu » (Ḫprj nṯr ꜥꜣ) derrière Thot, et Osiris, reconnaissable à sa peau verte et à sa couronne blanche, à droite. Khepri donne une coloration solaire qui inscrit le motif dans la lignée de la Litanie de Râ dont il s’inspire. Les autres divinités sont accompagnées d’une légende plus générique rappelant le texte présent sous la vignette du LdM 136B129 – à droite :

Psḏ.t ꜥꜣ.t r-jmy Dwꜣ.t, Ḥtpy nty m jꜣ.t štꜣ.t

Grande Ennéade qui est à l’intérieur de la Douat, Apaisé qui est dans la butte secrète.

Et, à gauche :

Psḏ.t ꜥꜣ.t r-jmy Dwꜣ.t, Ḥtpy nty m jꜣ.t štꜣ.t?130, Nb Jmnt.t

Grande Ennéade qui est à l’intérieur de la Douat, Apaisé qui est dans la butte secrète?, Maître de l’Occident

Elles présentent alternativement des têtes de plume de Maât et de cobra à deux exceptions près – un dieu à tête de torche et un à tête d’ichneumon. Le dieu à tête d’ichneumon est placé derrière Khepri – il constitue peut-être une allusion à Mekhenty-en-irty dont les yeux sont le soleil et la lune131 et qui pourrait donc faire écho aux Yeux-Oudjat qui entourent le groupe. Le dieu à tête d’ichneumon qui conduit souvent les défuntes et défunt vers la pesée du cœur dans les représentations contemporaines pourrait également lui être associé132. Il place ainsi le motif à la croisée d’interprétations astrales et en lien avec la justification du défunt.

« Celui qui connaît le retour » ( rḫ ꜥn ), remotivation lunaire et iconographique

La double vectorialité de Nebhepet – dont le corps est tourné vers la droite et la tête vers la gauche – est encore soulignée par la légende qui l’accompagne, elle-même divisée en deux blocs aux sens de lecture opposés.

Wsjr wꜥb sš n p(ꜣ) Ḫr Nb-ḥpy mꜣꜥ ḫrw, rḫ ꜥn

l’Osiris du prêtre-pur, scribe de la Tombe Nebhepet juste de voix, celui qui connaît le retour.

L’épithète rḫ ꜥn, « celui qui connaît le retour », présente donc une disposition iconique qui souligne à la fois sa signification et la position du défunt. Le terme ꜥn a pour sens principal « se retourner »133. Il peut être employé dans des contextes concrets ou figurés, ainsi pour décrire le comportement de braves soldats qui se retournent pour faire face à l’ennemi plutôt que de fuir134. L’expression rḫ ꜥn est souvent employée dans les textes de piété personnelle du Nouvel Empire pour qualifier Amon « qui sait revenir » sur sa colère ou « se retourner » vers celui qui l’implore. L’épithète signifie alors « être compatissant »135.

Cependant, l’expression tisse ici un réseau intertextuel avec d’autres attestations du verbe ꜥn. Dans un sens métaphorique, le mot peut être employé pour désigner le retour de l’autre monde. C’est un motif fréquent dans les « Chants du harpiste » qui présentent régulièrement l’expression n(n) wn (šmw) jy.t ꜥn « il n’y a personne qui soit parti et revenu » – exprimant ainsi une certaine forme de pessimisme ou de doute en appelant de manière paradoxale le défunt à profiter de la vie face à l’impossibilité de revenir de l’au-delà136. Ces iconotextes inscrits dans les tombes contrastent avec les formules funéraires affirmant au contraire la possibilité de sortir au jour. Tout en décrivant sa position, la dénomination accordée à Nebhepet joue ainsi sur 122 une épithète divine classique et insiste sur sa faculté à revenir de l’autre monde.

L’épithète – et sa variante mr ꜥn « qui aime le retour », se retrouvent souvent dans les manuscrits contemporains inspirés par la Litanie du Soleil pour qualifier de telles figures au visage retourné – défunte, défunt ou dieu placé devant eux – dont l’iconographie souligne ainsi qu’elles « connaissent le retour ». Le motif y fait souvent l’objet d’adaptations, de jeux de mots ou d’élaborations soulignant son adéquation aux figures qu’il accompagne et l’intégration au monde divin qu’il implique137.

Le papyrus de Nebhepet motive cette épithète de manière originale par son intégration dans le symbolisme lunaire qu’il met en œuvre. La maîtrise du retour et de la renaissance paraît en effet pouvoir qualifier l’astre lunaire sujet à des phases de croissances régulières. Un tel emploi de l’expression est attesté sur la stèle de Houy138 (Fig. 14) qui décrit la lune comme pꜣ Ḥtpy rḫ ꜥn « Cet Apaisé qui connaît le retour » (col. 9-10), deux épithètes reprises dans la légende et le texte139 du papyrus de Nebhepet.

Fig. 14

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Stèle de Houy (Turin, Cat. 1608 = CGT 50044). Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Ce manuscrit fait donc montre d’une remotivation polysémique particulièrement dense de l’expression rḫ ꜥn « qui connaît le retour » – jouant à la fois sur la reprise d’une épithète divine, la position de la figure à laquelle elle s’applique, le changement d’orientation du sens de lecture, l’insistance sur la capacité de renaissance du défunt et son lien avec la régénérescence lunaire mise en scène par le programme iconotextuel.

3.4. Mise en scène de la renaissance du défunt sur le papyrus : parcours lunaire et solaire

Par ces combinaisons de motifs, le papyrus propose ainsi au défunt une renaissance suivant plusieurs parcours mis en évidence par des vectorialités distinctes.

3.4.1. Parcours osirien du défunt de droite à gauche

L’adoration à Osiris dans l’étiquette suggère l’entrée et la progression de Nebhepet dans l’au-delà suivant un parcours allant de droite à gauche à l’inverse des divinités qui lui font face, orientées de gauche à droite. Les premières divinités rencontrées dans ce parcours sont celles des buttes du LdM 149 et la barque solaire du LdM 136B dont l’orientation est soulignée par le texte en écriture rétrograde qui accompagne leur parcours de gauche à droite. Le parcours osirien initial, qui marque le passage d’un monde à l’autre, fait cependant place dès la fin du premier rouleau à des représentations de Nebhepet orientées vers la droite – dans le même sens que les divinités – soulignant ainsi l’accès à son nouveau statut de défunt.

3.4.2. Parcours solaire divin de gauche à droite

Le parcours divin orienté de la gauche vers la droite s’illustre en particulier dans la course solaire – évoquée par la succession de disques rayonnants rouges et jaunes, nocturne et diurnes, et par les barques où naviguent Nebhepet et le dieu du LdM 136B. La correspondance entre l’orientation de ces motifs et des représentations du défunt dans les champs du LdM 110 explicite l’accès de ce dernier au monde divin et sa sortie au jour en suivant la course solaire. Cette idée de sortie au jour 123 se traduit peut-être de manière plus subtile par l’orientation différente du défunt bouvier à l’extrémité gauche du manuscrit. Nebhepet se dirige alors vers le disque solaire rayonnant qui clôt le papyrus. Cette vectorialité de droite à gauche paraît opposée à celle des autres scènes solaires. Une lecture cohérente est cependant possible si l’on considère que les scènes solaires ne sont pas orientées vers la droite mais plutôt vers l’extérieur du manuscrit, suivant une logique centrifuge. Dans les tombes royales du Nouvel Empire, les représentations de navigations diurnes du soleil – comme le Livre du Jour – sont de même orientées vers l’entrée, au contraire des scènes de navigation nocturne – comme l’Amdouat – orientées vers la chambre funéraire140. Cette disposition traduit l’idée même de sortie au jour du suivant la course solaire depuis la Douat matérialisée par le monument ou le papyrus.

3.4.3. Parcours lunaire centripète

Le caractère centrifuge du parcours solaire est d’autant plus manifeste qu’il complète un parcours lunaire centripète. La disposition en miroir des différents motifs lunaires – Yeux-Oudjat et surtout disques lunaires – met en effet l’accent sur la figure retournée de Nebhepet au centre de l’ensemble de quinze dieux momiformes dont la disposition rappelle à la fois la Litanie du Soleil et les processions lunaires. Le contraste avec la vectorialité des tombes royales – dans lesquelles la Litanie est orientée vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur – souligne la réinterprétation lunaire opérée par le papyrus. Cette disposition originale centrée sur le cœur du manuscrit met en avant la figure du défunt qui « connaît le retour » et sa régénération sur le modèle de l’astre.

Les orientations des motifs au sein du papyrus illustrent ainsi l’entrée de Nebhepet dans l’au-delà et son intégration progressive au monde divin par la combinaison de deux parcours complémentaires : un parcours lunaire centré sur le cœur du manuscrit et permettant la régénération du défunt et un parcours solaire centrifuge lui permettant de suivre l’astre hors de la Douat dans sa sortie au jour. Malgré leurs différences, les processus de régénération des deux astres sont liés par la polysémie des motifs qui les traduisent – que ce soient les Yeux-Oudjat, les babouins ou les figures momiformes rappelant à la fois la Litanie du Soleil et la croissance de la lune dans laquelle intervient Osiris. Ces modèles divins peuvent par ailleurs trouver des parallèles dans l’ontologie humaine. La course solaire étendue au-delà des limites physiques du manuscrit évoque la sortie au jour du ba141 tandis que l’image momiforme de Nebhepet au centre du papyrus représentant la Douat pourrait correspondre à la dépouille-ẖꜣ.t qui reste dans l’autre monde où elle est périodiquement revivifiée par le retour du ba et du soleil. Au-delà de la renaissance solaro-osirienne souvent mise en lumière dans le mobilier funéraire de la XXIème dynastie142, ce papyrus met ainsi en exergue une régénération suivant des parcours astraux. La conjonction de plusieurs modèles divins garantit ainsi son statut au défunt en le plaçant au centre d’un cosmogramme incarnant des univers multiples.

4. Papyrus et planche de momie : un programme complémentaire ?

Si l’inscription sur palimpseste du nom et des titres de Nebhepet suggère un remploi, la grande originalité du programme luni-solaire confère au papyrus un caractère personnel. Sa singularité – alliée à l’érudition d’un propriétaire scribe de la Tombe ayant accès à des savoirs spécifiques pour la réalisation du mobilier funéraire – questionne le rôle qu’aurait pu jouer Nebhepet, ou des membres de son cercle restreint, dans l’élaboration et le choix des motifs de son papyrus. La comparaison avec le reste de son mobilier va dans ce sens. Ce manuscrit présente en effet des analogies avec la planche de momie de ce personnage.

4.1. La planche de momie de Nebhepet

Les cercueils sont les objets les plus importants du mobilier funéraire143. Placée au plus près du corps, la planche de momie est l’élément le plus soigné de cet ensemble (Fig. 15). Son raffinement suggère qu’elle pouvait être exposée au cours des rites funéraires, peut-être lors de l’ouverture de la bouche qui semble une occasion alors renforcée de mise en scène du mobilier144. L’attention qui lui est portée se traduit par la finesse de la sculpture du visage145 ainsi que par la personnalisation manifeste de ses textes en faveur de Nebhepet. La complémentarité entre ces différents éléments de l’ensemble funéraire – planche de momie et papyrus dont l’une semble conçue spécialement pour son propriétaire tandis que l’autre est issu d’un remploi – interroge ainsi les processus de conception de ces objets réunissant différentes facettes d’un même programme malgré une origine potentiellement différente.

Planche de momie de Nebhepet(râ) (Paris, Louvre, E 13047, CM 32, BN 62 bis). Photo : ©RMN, Musée du Louvre / Georges Poncet.

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4.2. Personnalisation de la planche de momie : un jeu de mot sur le nom de Nebhepet ?

Titres

124 Les colonnes au centre de la partie basse de la planche de momie sont les plus lisibles et constituent ainsi un affichage de l’identité du défunt dont elles présentent souvent la titulature la plus développée146. Elles présentent tous les titres ajoutés sur le papyrus du défunt (à l’exclusion de ceux de wꜥb sš « prêtre-pur, scribe » antérieurs à l’inscription du nom de Nebhepet). La colonne centrale (altérée) le décrit comme sš nsw […] « scribe royal […] » et la colonne de droite comme jmy-rꜣ nfr.w m ꜣḫ.t nḥḥ, jmy-rꜣ kꜣ.wt n(y.wt) Pr ḏ.t « directeur des recrues dans l’Horizon d’éternité, directeur des travaux de la Demeure d’éternité ».

Onomastique

Le défunt y porte par ailleurs le nom, plus élaboré que sur son papyrus, de Nebhepetrâ « maître de la course/de la rame147 de Râ » ( Nb-ḥp.t-Rꜥ contre , ou Nb-ḥp.t « maître de la course/de la rame » sur le manuscrit). Cet anthroponyme peu commun pourrait faire allusion au nom de couronnement de Montouhotep II, fondateur du premier temple de Deir el-Bahari, un site qui pourrait avoir accueilli le culte funéraire local à la XXIème dynastie148, ce qui justifierait d’une certaine empreinte culturelle. La racine ḥpj désigne fondamentalement « la course, le parcours » mais peut aussi s’appliquer par extension à certaines rames149.

Une allusion au nom de Nebhepet dans le texte de la planche de momie ?

Cette graphie plus développée met en tout cas le nom en lien avec la navigation solaire, une référence sur laquelle joue la planche de momie. Plutôt que l’invocation à la déesse Nout fréquente sur les couvercles de cercueils150, elle offre en effet ici une formule originale renvoyant directement au nom de Nebhepet(râ)151:

pry⸗k r p.t ⸢ḏꜣ⸣⸗k [ḫꜣ]-b⸢ꜣ⸗s⸣, snsn⸗k m-ꜥ sbꜣ.wt, ṯꜣy⸗k ḥmy.t (/ḥp.t?) m Sk(t.t), d⸗k nꜥy m ḥtp, šd⸗k mḏꜣ.t

Puisses-tu sortir vers le ciel, puisse-tu ⸢traverser⸣ le firmament pour t’unir aux étoiles, puisses-tu saisir le gouvernail dans la barque nocturne du soleil (Mesektet) afin que tu navigues en paix, puisses-tu lire le rouleau de papyrus

125 L’exhortation à saisir le gouvernail (ḥmy.t) n’appartient pas au répertoire courant de cette époque152. Elle semble donc constituer un renvoi au nom du bénéficiaire qui comprend également un terme pouvant désigner une rame (ḥp.t) dont l’apparence est similaire à celle d’un gouvernail dans les représentations préservées153, ce qui rendrait peut-être envisageable ici une lecture ḥp.t du groupe logographique (P10 X1) autrement rendu par ḥmy.t.

Mention de la rame dans le papyrus de Nebhepet

Ce passage trouve par ailleurs un écho dans l’une des scènes finales du papyrus (Fig. 16) où le défunt tient la rame dans une barque à laquelle une proue en forme de bouquet de papyrus et la mise en pendant avec la vignette du LdM 136 donne une connotation solaire154. La légende de cette scène insiste sur cette action par l’usage du verbe ẖnj « ramer »155:

Wsjr ḥr ẖn ḏ.t⸗f ḏs⸗f m Sḫ.t J(ꜣ)ry m ẖry.t-nṯr

Osiris rame/fais naviguer son corps lui-même dans les Champs des Roseaux dans la nécropole

Fig. 16

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Nebhepet ramant (Turin, Museo Egizio, Cat. 1768). Photo par Nicola Dell’Aquila/Museo Egizio.

Élaboration littéraire d’une navigation céleste

Sur la planche de momie, la mention de l’objet est motivée par sa mise en relation avec la barque solaire nocturne (Mskt.t)156. L’aspiration qui suit à naviguer en paix (ḥtp) souligne la force rhétorique de l’expression par une reprise en partie inversée des mêmes consonnes (ḥp.t « rame » ḥtp « paix ») rappelant les élaborations littéraires par variations que l’on trouve dans le Naufragé (col. 6-11 s nb ḥr ḥpt sn.nw⸗f (…) mk rf jj⸗n m ḥtp « chaque homme embrasse son compagnon (…) Vois, nous sommes revenus en paix », la mention des « compagnons » sn.nw dans le récit rappelle par ailleurs l’idée de « s’unir » [snsn] aux étoiles sur la planche de momie)157. L’élaboration littéraire de ce passage justifie en tout cas la graphie développée Nebhepetrâ « maître de la course/de la rame de Râ » et démontre ainsi avec une rare originalité l’adaptation personnelle du texte au propriétaire de la planche de momie.

4.3. Renaissance céleste sur la planche de momie

Le texte place ainsi la renaissance du défunt dans un cadre solaire. Cette régénération s’inscrit dans un contexte astral plus vaste. Le défunt sort vers le ciel (pry⸗k r p.t) et s’unit aux étoiles (snsn⸗k m-ꜥ sbꜣ.wt). Si ces images sont fréquentes, elles font l’objet de formulations moins communes avec, par exemple, la référence au « firmament » ḫꜣ-bꜣ⸗s, littéralement 126 « un millier est son ba », une désignation de l’ensemble des corps célestes attestée dès les Textes des Pyramides158 mais beaucoup moins courante que p.t « ciel » ou ḥry.t « cieux »159. La graphie employée ici est également originale. Malgré la détérioration du support, le terme conserve des classificateurs peu communs – un demi-cercle bleu foncé160 suivis de trois cercles verts. Ces classificateurs contrastent avec les signes N14 plus communément employés pour ce lexème dont ils traduisent l’aspect stellaire161 et utilisés comme logogrammes représentant les étoiles deux cadrats plus bas. Le choix de cette graphie semble donner au terme un caractère astral plus général, susceptible d’être employé pour désigner d’autres corps célestes, en particulier la lune, ce qui ferait écho au programme développé par le papyrus – la formule se poursuit d’ailleurs par une incitation à lire le rouleau de papyrus (šd⸗k mḏꜣ.t) dans laquelle il serait tentant de voir une mise en exergue des liens entre cercueils et manuscrits, bien que d’autres interprétations soient possibles162.

4.4. Renaissance lunaire sur la planche de momie : un lien avec le papyrus ?

Invocation à Thot

Quoique moins explicite que sur le manuscrit, des symboles lunaires sont en effet reconnaissables sur la planche de momie. La colonne centrale porte ainsi une adresse du défunt à une série de dieux au premier rang desquels Râ-Horakhty-Atoum, Geb et Thot. Sans être décisive, la mention de ce dernier dieu au caractère lunaire avant Ptah-Sokar, Nefertoum et Osiris – pourtant souvent prééminents dans ce type d’inscriptions – s’intègre bien dans le programme luni-solaire de l’ensemble funéraire.

Thot et le Benou

De manière plus significative, le deuxième registre de la partie inférieure de la planche met en balance deux scènes d’adoration du défunt à des dieux momiformes à tête d’oiseau – à droite, Thot et, à gauche, le Benou apparu [de lui-même]163. L’opposition entre ces deux échassiers pourrait être mise en parallèle avec le papyrus de Nebhepet où une représentation momiforme de Thot fait face au défunt dans la « Litanie du Soleil » et se trouve donc dos à l’oiseau-srw qui ouvre cette section du manuscrit. Si la mise en parallèle de ces deux divinités est sans doute motivée par leur apparence similaire, elle joue probablement aussi sur leur caractère astral – Thot est lié à la lune tandis que le Benou est étroitement associé au soleil. Cette portion de la planche de momie met ainsi en lumière la complémentarité des astres solaire et lunaire pour la régénération du défunt et fait ainsi écho à son papyrus.

4.5. Liens entre le papyrus et la planche de momie de Nebhepet

Explicitement réalisée pour Nebhepet(râ) sur le nom duquel elle propose une élaboration littéraire poussée et très personnelle, la planche de momie présente ainsi, comme son papyrus pourtant peut-être issu d’un remploi, quelques motifs astraux pouvant suggérer la complémentarité des devenirs solaire et lunaire du défunt. L’originalité de ce programme, sa répartition sur les différents éléments de l’ensemble funéraire, suggère une conception d’ensemble et donc la prise en considération très tôt dans la production du mobilier du décor des différents objets qui le constituent. Marqué par l’effacement du nom d’un premier propriétaire, le remploi du papyrus aurait donc été décidé très tôt dans la conception de l’ensemble funéraire. Les fonctions de scribe royal et scribe de la Tombe de Nebhepet pourraient lui avoir permis d’obtenir ce manuscrit, peut-être initialement destiné à un autre membre de sa famille ou de son cercle proche164 ce qui aurait légitimé l’acquisition tout en facilitant son intégration à un programme iconotextuel personnel propre à une communauté restreinte. Il ne s’agirait donc pas d’une accaparation réalisée tardivement suite à un décès prématuré165. Malgré leur relatif isolement, les éléments préservés du mobilier de Nebhepet révèlent ainsi l’unité de conception, le raffinement et l’originalité du programme iconotextuel d’un ensemble funéraire du milieu de la XXIème dynastie mettant l’accent sur une renaissance astrale.

5. Un programme iconotextuel propre à un milieu spécifique ? Les scribes royaux et directeurs des travaux

Si aucun autre trousseau funéraire ne présente une telle concentration de motifs lunaires, quelques ensembles de hauts dignitaires contemporains présentent 127 des parallèles partiels. Ces personnages portent des titres en partie similaires à ceux de Nebhepet – « scribe royal », « directeur des travaux », « directeur des recrues » ou « scribe de la Tombe ». La référence au devenir luni-solaire du défunt pourrait donc constituer un élément de discours propre à une communauté restreinte de l’élite et ainsi prendre part à la construction d’un monde social spécifique166.

Symboles lunaires dans des ensembles funéraires contemporains

Des représentations d’un babouin coiffé du disque lunaire et tendant un Œil-Oudjat apparaissent en effet sur la planche de momie de Boutehamon167, père et prédécesseur de Nebhepet. Seramon et Soutymes, datables, comme Boutehamon, de la transition entre le Nouvel Empire et la XXIème dynastie168, arborent des titres en partie analogues à ceux des « scribes de la Tombe » bien qu’ils soient plus directement rattachés au Domaine d’Amon. Leurs ensembles de cercueils169 les décrivent tous deux comme des « directeurs des travaux », Seramon est par ailleurs qualifié, comme Nebhepet, de « directeur des recrues » et « scribe royal ». L’un de ses papyrus170 présente plusieurs analogies avec celui de Nebhepet. Il est lui-aussi composé de deux rouleaux distincts aux programmes iconotextuels complémentaires. Les deux registres superposés de sa section finale présentent chacun un disque solaire rayonnant N8 et deux babouins coiffés d’un disque lunaire et tenant une plume de Maât dont l’un prend place à l’avant de la barque solaire. Ce manuscrit semble donc lui aussi mettre en jeux un réseau de motifs solaires et lunaires et pourrait avoir constitué une source d’inspiration pour le papyrus de Nebhepet ou être issu du même milieu. Le couvercle du cercueil interne qui lui est associé171 figure une barque dans laquelle le dieu Thot, « scribe véritable de la grande Ennéade » (sš mꜣꜥ n(y) Psḏ.t ꜥꜣ.t), agenouillé, tend un Œil-Oudjat au dieu solaire (Fig. 17) – une composition qui pourrait s’inscrire dans l’idée d’une complémentarité entre les deux astres. Coiffé d’un disque lunaire, Thot fait également face au dieu soleil sur la planche de momie de Soutymes, dont le mobilier est très proche de celui de Seramon172. L’un des babouins tenant un Œil-Oudjat sur la planche de momie de Boutehamon est accompagné d’une légende difficilement lisible mais qui semble le mettre en lien avec le soleil ( Rꜥ p(w) wbn « C’est le soleil brillant »)173.

Fig. 17

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Thot maître des hieroglyphes, véritable scribe de la grande Ennéade, tend un Œil-Oudjat au dieu solaire Râ-Horakhty-Atoum sur le couvercle du cercueil interne de Seramon (Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, A.779). Photo par Benjamin Moreno, MBAA Besançon/IMA Solutions.

Thot, la lune, les scribes et le pouvoir

L’importance des motifs lunaires dans ces différents ensembles pourrait contribuer à la construction de l’image des défunts. Ce répertoire pourrait faire allusion à leurs titres. Le statut de scribe suggère une dévotion particulière à Thot174. La référence à la lune pourrait cependant s’attacher plus spécifiquement à leur épithète de « scribe royal » qui suggère une relation étroite avec le pouvoir – dans une position analogue à celle de la lune face au dieu solaire, souverain de la Douat175. La dévotion à Thot est marquée chez les scribes royaux du Nouvel Empire, la statue de Kherouef semble notamment suggérer un parallèle entre le rôle du dignitaire et celui du dieu lune auquel il s’adresse176.

La pertinence de la référence à Thot est encore renforcée en contexte funéraire. Le maître des hiéroglyphes joue en effet un rôle analogue auprès de Râ et d’Osiris à qui le soleil délègue la souveraineté de la Douat. Le caractère lunaire d’Osiris favorise sans doute lui aussi leurs liens. Tout comme il accompagne le soleil, Thot se tient souvent près du trône 128 du dieu des morts sur les représentations177. Tenant un Œil-Oudjat ou une plume de Maât, il apporte régénération et justification. Ainsi figuré comme intermédiaire à équidistance des deux divinités majeures de l’au-delà, le dieu lunaire joue un rôle liminaire qui le rend particulièrement apte à s’intégrer dans le complexe solaro-osirien dans lequel les hauts dignitaires lettrés de la XXIème dynastie conçoivent leur renaissance178.

Le programme iconotextuel luni-solaire du papyrus indexerait ainsi l’appartenance de son propriétaire à une élite scribale en lien avec le pouvoir. L’extrême originalité de son élaboration contribue à construire une image personnelle hors du commun. Le remploi du manuscrit s’est donc probablement effectué au sein d’un cercle social restreint, soulignant dans tous les cas le prestige et l’intégration de Nebhepet à ce milieu.

6. Conclusion : une combinaison d’unités matérielles et de parcours astraux complémentaires au service d’un programme unifié

Malgré ses analogies avec d’autres ensembles, le mobilier funéraire de Nebhepet fait ainsi montre d’une grande singularité dans sa conception. Il combine en effet des motifs astraux affirmant la régénération du défunt suivant des modèles à la fois lunaire et solaire traduits par des orientations distinctes. La course solaire, associée à l’idée de la sortie au jour, est dirigée vers l’extérieur du manuscrit tandis que d’autres motifs s’articulent sur la représentation de la croissance lunaire en son centre, rappelant la régénération d’Osiris et de la dépouille au cœur de la Douat. Ces parcours complémentaires sont également illustrés sur sa planche de momie, dont les élaborations littéraires très personnelles attestent qu’elle a été pensée pour Nebhepet.

Sur le manuscrit, ces parcours se traduisent par l’usage de motifs astraux polysémiques, évoquant à la fois le soleil et la lune à l’instar des Yeux-Oudjat. La Litanie de Râ y est réinterprétée de manière originale comme une représentation de la croissance de la lune. La pose et la légende du défunt affirment qu’il « connaît le retour » (rḫ ꜥn) et peut donc renaître à l’instar des astres. La multiplication des motifs liés à la lune et à Thot pourrait traduire un attachement particulier au dieu de l’écriture par le propriétaire du fait de son titre de scribe179, peut-être plus spécifiquement de « scribe royal » qui le placerait dans une situation analogue à celle de Thot par rapport aux souverains de la Douat, le dieu solaire et Osiris.

D’un point de vue matériel, ce manuscrit se compose de deux rouleaux dont le programme respectif rappelle celui des deux principaux types de papyrus de l’époque – les Livres des Morts et les « Amdouats ». Le déploiement de l’iconotexte répond donc à la structure physique de l’objet qui a servi de cadre pour calculer l’importance relative des différents éléments lors de la mise en page. Celle-ci a été effectuée par trois scribes – l’un d’entre eux identifiable sur d’autres documents – dont l’activité est inégalement répartie sur les deux rouleaux.

Malgré le probable remploi du papyrus, sur lequel un premier nom a été effacé, l’analyse de ce mobilier met ainsi en exergue la planification soigneuse et l’unité de conception du programme iconotextuel réparti sur l’ensemble funéraire pour aboutir à un résultat personnel – combinant de manière originale des motifs liés à la renaissance lunaire et solaire.

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